Ce site traite du son du magnétophone à bande et du système CLASP. Il a été créé dans le cadre d'un mémoire de 3ème année à l'ESRA Bretagne (ISTS)
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Quelles méthodes utiliser aujourd’hui afin d’obtenir le son du magnétophone analogique à bande magnétique ?
Historique : de la bande magnétique au disque dur
Le magnétophone analogique à bande inventé il y a plus de 80 ans est toujours présent dans nos studios pour certaines application (musique/archives…). Il a survécu aux différentes innovations notamment à la révolution numérique. Pour cela, il a évolué pendant nombre d’années avant de connaître une stabilisation depuis les années 1980 suite à son abandon. Aujourd’hui la technologie numérique ne cesse de s’améliorer et est présent à 99% dans les productions audiovisuelles.
Voici un bref historique de l’évolution des supports d’enregistrement :
Son fonctionnement
Principes de base
Son principe de lecture est le suivant : une bande recouverte d’oxyde de fer ou de chrome passe devant l’entrefer d’une tête puis par la bobine de l’électro aimant. On a donc au final un signal électrique proportionnel aux variations de champs magnétiques sur la bande.
Pour l’enregistrement c’est l’inverse, un signal audio est envoyé sur la bande via le bobinage de la tête. Le ruban sert donc de support pour recevoir le matériau magnétique.
Tout ceci est possible grâce à la faculté des corps ferromagnétiques à mémoriser le phénomène à enregistrer sous l’action d’un champ magnétique. C’est le principe de la rémanence d’un matériau. L’oxyde de fer ou de chrome présent sur la bande sont des corps ferromagnétique.
Normes de base
Niveau de magnétisation de la bande
C’est le niveau d’aimentation de la bande et s’exprime en nanoweber par mètre (nWb/m). On trouve des valeurs telles que 320 ou 640nWb/m. Plus la valeur est basse et plus la bande sature vite. Plus la valeur est haute et meilleur est le rapport signal sur bruit ainsi qu’une distorsion minimal.
Ces valeurs ont un équivalent en niveau de signal électrique par rapport au 0 VU
C'est le rapport entre ce niveau (reférence level) et les caractéristiques de la bande choisis (notamment le taux de magnétisation) qui nous permet de définir les principales caractéristiques de notre son (rapport signal/bruit, effet de compression, distorsion harmonique...).
Largeur de la bande par rapport au nombre de piste
On trouve beaucoup de configurations différentes mais il y quand même des standards comme le master ¼ pouce/2 pistes ou le 2 pouces/24 pistes. Plus la largeur de la bande est grande par rapport au nombre de piste, plus la diaphonie est faible.
Vitesses de défilement
Cette vitesse est très importante car joue beaucoup sur la qualité finale du son. Plus la vitesse est élevée, plus le rapport signal sur bruit est bon et moins la chute dans les fréquences aigues est importante. Cependant, plus la vitesse est basse et moins l’on consomme de quantité de bande. En studio, on tourne en 15 ou 30 IPS. Cette vitesse doit d’ailleurs rester la même pendant tout le projet. Il est à noter que l’on retrouve sur la plupart des machines la notation en norme anglophone (IPS).
Le mécanisme
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Il correspond à l’ensemble du système qui permet le défilement de la bande.
Il a trois rôles :
-le défilement de la bande pendant l’enregistrement ou la lecture, à vitesse normal.
-L’arrêt de la bande en un point déterminé.
-le défilement accéléré de la bande en avant ou en arrière.
Pour que ce mécanisme puisse marcher il a été mis en place une cinématique de défilement, c’est-à-dire l’ensemble des systèmes nécessaires au défilement de la bande.
On y trouve des galets, des têtes, un cabestan, des capteurs de tensions, écarteurs de bande…
On peut trouver deux modes de défilement différents :
-l’entrainement à vitesse croissante où la bobine réceptrice tire le ruban. C’est un mode de moyenne qualité et non utilisé pour une utilisation professionnel.
-l’entrainement à vitesse constante qui consiste à utiliser un système avec cabestan et galet presseur. Le cabestan tourne à vitesse constante et entraine le ruban. La qualité de cet élément joue beaucoup dans la performance de défilement final de la bande et sur le pleurage. Le galet presseur vient, lui, pincer la bande contre le cabestan.
La cinématique de défilement
Cinématique de défilement type Revox B77
Chaîne de lecture
Cette chaîne est d’abord composée par la tête de lecture qui est en contact avec la bande magnétique via son entrefer. On trouve ensuite un filtre passe bas pour éliminer les hautes fréquences induites sur la tête ainsi que l’amplificateur de lecture qui doit pouvoir amplifier des signaux de niveaux très faible. Après, il est mis un réseau de correcteurs normalisés pour chaque vitesse (19cm/s, 38cm/s…) où l’on vient baisser les aigus préalablement augmentés pendant l’enregistrement. Il est à noter que la courbe de réponse change avec la vitesse de lecture. Ensuite des correcteurs de grave et d’aigus sont là pour chaque vitesse. On trouve un correcteur de gain et un filtre bloquant les résiduelles hautes fréquences. Et pour finir un amplificateur niveau ligne pour adapter le signal aux différents systèmes d’écoutes.
Chaîne de lecture
Chaîne d’enregistrement
Tout d’abord on trouve en entrée un transformateur qui a pour rôle d’adapter la tension reçue qui est suivie du gain d’enregistrement. Il s’en suit un correcteur de grave et d’aigues qui permettent de compenser l’usure des têtes et de s’adapter à un type de bande déterminée en fonction de sa réponse en fréquence. Il y a aussi un correcteur normalisé n’agissant que sur les fréquences aigues, qui sont augmentées. Ceci car le transfert magnétique induit une perte dans ces fréquences. L’amplificateur d’enregistrement adapte le courant en fonction de la tête d’enregistrement.
Afin d’augmenter l’efficacité de l’enregistrement, on a recourt à la polarisation alternative (prémagnétisation). Ce procédé consiste à envoyer un courant sinusoïdal de haute fréquence très intense superposé au courant d’enregistrement. Un bon réglage de polarisation donnera une bonne efficacité aux signaux utiles (même de faible amplitude) et une distorsion minimale. Ce réglage s’appelle le réglage de bias, on ne peut pas régler la fréquence et le voltage mais la puissance du signal selon le type de bande. Lorsque le bias est poussé plus qu’il ne devrait, on parle d’« overbias », ce qui a un effet sur le son (compression/distorsion…)
La tête d’enregistrement va donc soumette un champ magnétique à la bande par le biais de son entrefer. Ce champ magnétique est proportionnel au signal électrique d’origine.
Chaîne d'enregistrement
L’effacement
La tête d’effacement vient générer des hautes fréquences (80Khz à 120Khz) grâce à un oscillateur. L’aimentation est donc détruite et la bande revient à son état neutre. L’entrefer utilisé est large et le champ émis est puissant.
Ses qualités/défauts sonores
Compression de bande
Cet effet a pour principe de compresser les fréquences aigues au-dessus d’un certain seuil. On peut comparer cela à un compresseur sélectif mais qui réagit différemment en fonction du niveau d’entrée dans la tête d’enregistrement. Ce phénomène dépend aussi du réglage du magnétophone (niveau et correction, de la vitesse de défilement, du taux de magnétisation de la bande…) Lorsque l’on choisit d’utiliser ce type de machine c’est souvent pour cette compression qui parait à la fois naturelle dans une utilisation soft et plus extrême lorsqu’on accentue ce phénomène pour faire des effets. De plus, il n’y a pas ce pompage qu’on les compresseurs normaux.
Cependant la compression de bande peut devenir un défaut si elle n’est pas voulue. En rock, on appréciera que les attaques de grosse caisse soient compressées alors qu’en musique classique on voudra garder le timbre de l’instrument au maximum. On préférera peut être la technologie numérique pour ce genre de musique.
courbe de fréquence en fonction de la magnétisation de la bande
La distorsion harmonique
Cette distorsion est un ensemble de fréquences qui vient s’ajouter au signal d’origine. Ces fréquences sont souvent assez hautes et plus ou moins voulus. On peut comparer cela aux machines à lampes (EQ, ampli, compresseur…) qui colorent le son de façon musical. Ces distorsions peuvent venir du transfert magnétique, d’un défaut d’amplificateur, de la vitesse de défilement ou encore du niveau important sur la bande magnétique.
La diaphonie
C’est l’interférence d’un premier signal avec un second, on retrouve donc une partie du second signal dans le premier et inversement. Dans une stéréo, cela veut dire que l’on retrouve une partie du signal de gauche dans le canal droit et inversement mais ceci n’est lié qu’aux technologies analogiques. C’est un défaut technique qui est traité au mieux mais qui est aussi une qualité sonore. Ce phénomène a un effet sur l’image stéréophonique et permet de mieux lier les deux canaux.
La bande passante
C’est la plage de fréquence utilisée et transmise par le système. Pour la plupart des équipements elle s’étend de 20Hz à 20Khz mais pour les magnétophones analogiques elle est quelque peu réduite aux extrémités. La bande passante dépend de beaucoup de choses : la vitesse de défilement, la qualité de la bande, la qualité de l’électronique du magnétophone… Cette bande passante réduite peut vite devenir une qualité car permet d’atténuer d’éventuelles hautes fréquences inutiles ou agressives pour l’oreille, d’arrondir les angles en quelque sorte. Seulement, si l’on veut garder les très hautes fréquences pour diverses raisons, cette technologie risque de trouver ses limites même si certains appareils ont une très bonne bande passante.
Magnétophone à bande Revox B77 MkII
Leurs défauts
Fluctuation de vitesse
Dans le défilement de la bande, il y a toujours des fluctuations de vitesse qui vont provoquer des fluctuations de tonalité. Si ces variations sont inférieures à 10 Hz, on parle de pleurage et si ces variations sont supérieures à 10Hz on parle alors de scintillement.
Les principales causes de ce phénomène sont la qualité de la cinématique de défilement, les moteurs, l’azimut des têtes...
Chute des HF lors du transfert magnétique
Lors du passage d’un signal électrique au signal magnétique sur bande, la chute dans les hautes fréquences est particulièrement importante. Du coup, en plus des correcteurs simple il y a des filtres qui augmentent les aigus pendant l’enregistrement avec différents réglages selon la vitesse de défilement. Pendant la lecture, on vient baisser ces aigus. Cette méthode s’appelle la correction de principe ou circuit de correction normalisé. Ce phénomène peut être comparé à la préaccentuation des aigus lors d’une transmission HF où ils sont augmentés pendant l’émission et baisser pendant la réception.
L’effet d’azimut
Lorsque les entrefers ne sont pas bien perpendiculaires à l’axe de la piste alors il y a erreur d’azimut. Ceci entraîne des problèmes de phase et de fluctuation de vitesse ainsi que des pertes dans les fréquences aigus. Pour régler l’azimut, on utilise une bande étalon sur laquelle est enregistrée une fréquence élevé (10/15Khz) qu’on lit. Il faut qu’il y ait le maximum de niveau en sortie. Si les bandes sont enregistrées et lu par la même machine, cela ne pose pas de problèmes.
Bruit de modulation
Lorsqu’un signal est enregistré sur une bande alors son bruit de fond augmente. Ce phénomène est lié en partie à la mécanique de la cinématique. Lorsqu’il y a du scintillement ou des guides bandes de mauvaise qualité, on augmente le bruit de modulation.
Le bruit de fond
C’est un signal résiduel non désiré qui affecte la sortie d’un appareil, il est particulièrement présent sur les machines analogiques et s’exprime selon le rapport signal sur bruit (en dB). Il dépend de la qualité du magnétophone et de la bande mais aussi de la vitesse de défilement. Avec de très bons appareils bien réglés, on arrive quand même à un rapport signal sur bruit supérieur à 70dB.
Les drops
Cet effet correspond à des chutes brèves du signal enregistré qui se traduit par des craquements. La cause de ce phénomène est la qualité de la bande et notamment la poussière déposée sur la couche magnétique. Il faut alors procédé à un nettoyage de la bande.
L’effet de copie
Cet effet concerne la bande magnétique. Lorsqu’elle n’est pas lu pendant longtemps, les différents enroulements de la bande se contre magnétisent entres elles. En conséquence, on entendra pendant la lecture des échos antérieurs ou postérieurs à la lecture du moment.
Son utilisation classique dans un studio analogique
Les deux systèmes de monitoring
- Via la tête de lecture (mode repro), ce qui permet d’entendre ce qui a vraiment été enregistré. C’est cette méthode qui est utilisé pour le mixage
- Via la tête d’enregistrement (mode synchro), ce qui permet d’écouter le signal en train d’enregistrer sans latence avec ce qui est déjà enregistré. Cette méthode est donc utilisée pour les overdubs. Le problème de ce mode est l’absence de contrôle sur le signal post bande.
Pour permettre le mode synchro il a fallu que la tête d’enregistrement puisse être permutée en tête de lecture, on l’appelle donc aussi tête de synchro. Sur chaque piste indépendamment on peut donc commuter les entrefers en lecture ou en enregistrement.
Les réducteurs de bruit
Afin d’améliorer l’enregistrement magnétique il est utilisé des systèmes de réduction de bruit qui permettent d’augmenter la dynamique. La méthode utilisée est assurée par le compander (compresseur/expendeur). On a donc une compression à l’enregistrement suivie d’un traitement d’expendeur à la lecture. C’est la méthode choisir pour le procédé de filtrage Dolby NR.
Une autre technique est celle de la préaccentuation qui consiste à augmenter les aigues pendant l’enregistrement et à les atténuer pendant la lecture, c’est la technique utilisée par le Dolby B.
On trouve ensuite des améliorations au fil des années avec le Dolby C, le Dolby S ou encore le réducteur de bruit DBX.
Les contraintes et les raisons de son abandon
Leur coût
En effet, il faut plusieurs milliers d’euros pour un magnétophone qui tient la route et plusieurs centaines d’euros de bande pour enregistrer un album entier. Pour un enregistrement sur magnétophone à bande, on dit que le budget pour les séances d’enregistrement est équivalent au budget des bandes magnétiques. Par comparaison, un système Pro Tools HDX vaut environ 10.000 euros, ce qui est au final beaucoup moins coûteux sur la durée et haut de gamme pour le moment.
La maintenance d’exploitation
L’entretien de ces machines est également assez lourd puisqu’il y a beaucoup d’éléments mécaniques qui s’usent et se dérèglent.
Il faut que tous les éléments en contact avec la bande soient propres : têtes, galets, guides, cabestan… Ces éléments se voient déposer de la poussière de magnétite qui fait baisser la performance de la machine. Pour le nettoyage on utilise un pinceau, un chiffon ou un coton-tige imbibé d’alcool.
Il faut aussi procéder à une démagnétisation de certaines pièces sous peine de bruit de fond et de distorsion. La méthode consiste à s’approcher d’un élément (tête par exemple) en faisant des cercles de plus en plus petit et de s’en éloigner de la même manière. Cette opération doit se faire avec le magnétophone hors tension et loin des bandes enregistrées. Il faut également démagnétiser les ciseaux de montage.
Un démagnétiseur
Une autre tâche à faire est le contrôle d’alignement enregistrement/lecture. Pour cela, il faut enregistrer un 1Khz à O Vu et le comparer avant et après enregistrement, l’écart doit être de 0,5 dB maximum.
Il convient de faire les réglages de gain sur l’amplificateur de lecture. Le niveau 0 de magnétisation de la bande étalon doit alors correspondre avec le niveau nominal de sortie (+6dBu par exemple). Ce réglage évite de sous moduler ou de saturer lors d’une numérisation de la bande ou d’une simple écoute.
On a également, avec le temps, une usure des têtes qui est plus ou moins irrégulière. On peut alors régler ça en polissant ces têtes avec des feuilles de grains différents.
Conservation du support
Pour que informations restent sur le support il faut que la couche magnétique conserve sans altération l’aimentation et que bien évidemment il n’y ait pas d’effacement par accident. Les bandes doivent donc être tenues loin de tout engin rayonnant un champ magnétique puissant (un démagnétiseur par exemple). De plus les rubans doivent être conservés à une température modérée en dessous de 25 degrés.
Les pannes
Ces machines sont un mélange d’électronique et de mécanique et ont une conception plutôt complexe. Un ingénieur du son classique n’a pas les facultés pour gérer tous types de panne si ce n’est quelques réglages de maintenance. Il y a quelques années, dans certains gros studios, il y avait quelqu’un de spécialisé qui s’occupait juste de la maintenance. Aujourd’hui, les personnes pouvant réparer ces machines sont de moins en moins nombreuses. Quand on sait que les magnétophones tombent régulièrement en pannes, c’est un vrai problème. Pour contourner ce soucis certains studio on leur magnétophone en double afin de réagir vite en cas de panne mais cela a un coup coût assez élevé.